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— Taisez-vous, impertinent, » répliqua celle-ci avec un visage de jubilation. Et là-dessus la cuisinière et Mary se prirent à rire encore, jusqu’à ce que le rire et la bière et la viande combinés eussent mis la charmante bonne en danger d’étouffer. Elle ne fut tirée de cette crise alarmante qu’au moyen de fortes tapes sur le dos et de plusieurs autres petites attentions, délicatement administrées par le galant Sam.

Au milieu de ces joyeusetés, on entendit sonner violemment, et le jeune gentleman qui prenait ses repas dans la buanderie, alla immédiatement ouvrir la porte du jardin. Sam était dans le feu de ses galanteries auprès de la jolie bonne ; M. Muzzle s’occupait de faire les honneurs de la table, et la cuisinière ayant cessé de rire un instant portait à sa bouche un énorme morceau, lorsque la porte de la cuisine s’ouvrit pour laisser entrer M. Job Trotter.

Nous avons dit pour laisser entrer M. Job Trotter, mais cette expression n’a pas l’exactitude scrupuleuse dont nous nous piquons. La porte s’ouvrit et M. Job Trotter parut. Il serait entré, et même il était en train d’entrer, lorsqu’il aperçut Sam. Reculant involontairement un pas ou deux, il resta muet et immobile à contempler avec étonnement et terreur la scène qui s’offrait à ses yeux.

« Le voici ! s’écria Sam, en se levant plein de joie. Eh bien ! je parlais de vous dans ce moment ici, comment ça va-t-il ? pourquoi donc êtes-vous si rare ? Entrez. » En disant ces mots, il mit la main sur le collet violet de Job, le tira sans résistance dans la cuisine, ferma la porte et en passa la clef à M. Muzzle, qui l’enfonça froidement dans une poche de côté, et boutonna son habit par-dessus.

« Eh bien ! en voilà une farce ! s’écria Sam. Mon maître qui a le plaisir de rencontrer votre maître là haut, et moi qui a le plaisir de vous rencontrer ici en bas. Comment ça vous va-t-il ? Et notre petit commerce d’épiceries, ça marche-t-il bien ? Véritablement, je suis charmé de vous voir. Comme vous avez l’air content ! C’est charmant. N’est-il pas vrai, M. Muzzle ?

— Certainement.

— Il est si jovial !

— De si bonne humeur !

— Et si content de nous voir ! C’est ça qui fait le plaisir d’une réunion. Asseyez-vous, asseyez-vous. »

Job se laissa asseoir sur une chaise, au coin du feu, et dirigea