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et l’esprit de ce discours, M. Trotter permit peu à peu à son visage de reprendre son expression habituelle, et tout à coup, tressaillant de joie, il s’écria :

« Que vois-je ? monsieur Walker !

— Ha ! reprit Sam, vous êtes bien content de me rencontrer, n’est-ce pas ?

— Content ! s’écria Job Trotter enchanté ! Oh ! monsieur Walker, si vous saviez combien j’ai désiré cette rencontre ! Mais c’en est trop pour ma sensibilité, monsieur Walker ; je ne puis pas contenir ma joie ; en vérité je ne le puis pas ! »

En sanglotant ces paroles, M. Trotter répandit un véritable déluge de pleurs, et, jetant ses bras autour de ceux de Sam, il l’embrassa étroitement, avec un transport d’affection.

« À bas les pattes ! lui cria Sam, grandement indigné de cette conduite, et s’efforçant inutilement de se soustraire aux embrassements de son enthousiaste connaissance. À bas les pattes ! vous dis-je. Pourquoi me pleurez-vous comme ça sur le dos, pompe à incendie ?

— Parce que je suis si content de vous voir, répliqua Job Trotter, en relâchant Sam, à mesure que les symptômes de son courroux diminuaient. Ah ! monsieur Walker, c’en est trop !

— Trop ? Je le crois bien ! Voyons, qu’avez-vous à me dire, eh ? »

M. Trotter ne fit pas de réplique, car le petit mouchoir rouge était en pleine activité.

« Qu’avez-vous à me dire avant que je vous casse la tête ? répéta Sam d’une manière menaçante.

— Hein ? fit M. Trotter d’un ton de vertueuse surprise.

— Qu’est-ce que vous avez à me dire ?

— Mais, monsieur Walker !…

— Ne m’appelez pas Walker ; je me nomme Weller, vous le savez bien. Qu’est-ce que vous avez à me dire ?

— Dieu vous bénisse, monsieur Walker,… je veux dire Weller… Bien des choses, si vous voulez venir quelque part où nous puissions parler à notre aise. Si vous saviez comme je vous ai cherché, monsieur Weller !

— Très-soigneusement je suppose, reprit Sam, sèchement.

— Oh ! oui, monsieur, en vérité ! affirma M. Trotter sans qu’on vît remuer un muscle de sa physionomie. Donnez-moi une poignée de main, M. Weller. »

Sam considéra pendant quelques secondes son compagnon, et