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gence ; et quoiqu’il eût encore les formes de l’enfance, il n’en avait plus ni le cœur léger, ni le rire joyeux, ni les yeux brillants.

Son père et sa mère étudiaient la pâleur de son visage, et leurs regards se rencontraient ensuite avec des pensées de désespoir, qu’ils n’osaient exprimer par des paroles. L’homme vigoureux, bien portant, qui aurait pu supporter toutes les fatigues d’une vie active, se consumait dans la longue inaction, dans l’atmosphère malsaine d’une prison populeuse. La femme délicate et fragile s’affaissait sous les maux combinés de l’esprit et du corps. Quant au jeune enfant, son cœur était déjà brisé.

L’hiver arriva, et avec l’hiver des semaines entières de pluies froides et tristes. La pauvre femme était venue demeurer dans une misérable chambre, près de la prison de son mari, et quoique leur pauvreté croissante fût la cause de ce changement, elle se trouvait plus heureuse alors, car elle était plus près de lui. Pendant deux mois elle vint comme à l’ordinaire attendre, avec son enfant, l’ouverture de la porte. Un matin, elle ne vint pas : c’était la première fois. Un autre matin, elle vint seule : l’enfant était mort.

Ils savent peu, ceux qui parlent légèrement des pertes du pauvre comme d’une heureuse cessation de douleurs pour celui qui n’est plus, comme d’une économie providentielle pour le survivant ; ils savent peu quelle agonie causent ces pertes. Un regard silencieux d’affection, quand tous les autres regards se détournent froidement ; la conscience que nous possédons la sympathie d’un être humain, lorsque tous les autres nous ont abandonnés : c’est là une consolation, un soutien, un appui, que nulle richesse ne peut payer, que ne peut donner nul pouvoir. L’enfant était resté, pendant des heures entières, assis aux pieds de ses parents, avec ses petites mains pressées dans les leurs ; avec son visage maigre et pâle levé vers leur visage. Ils l’avaient vu s’étioler de jour en jour ; mais quoique sa courte existence eût été privée de toute joie, quoiqu’il reposât maintenant dans cette paix qu’il n’avait jamais connue sur la terre, cependant ils étaient ses parents, et sa perte pénétra profondément dans leur cœur.

Il était clair pour ceux qui regardaient la figure épuisée de la jeune mère, qu’elle n’avait plus de longues épreuves à subir. Les camarades de prison de son mari craignaient de troubler tant de douleurs et de misères, et lui laissaient à lui seul la