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deux, en prévenant trois minutes d’avance, selon les besoins du marché ou l’appétit public, qu’il me dit.

— Ce devait être un jeune homme fort ingénieux, dit M. Pickwick avec un léger frisson.

— Je crois bien, monsieur, et ses pâtés étaient superbes, répliqua Sam en continuant de vider le panier. Langue ; bien ça. C’est une très-bonne chose, quand c’est pas une langue de femme. Pain, jambon, frais comme une peinture. Bœuf froid en tranches. Très-bon. Qu’est-ce qu’il y a dans ces cruches-là, jeune évaporé ?

— De la bière dans stelle-ci et du punch froid dans stelle-là, répondit le jeune paysan en ôtant de dessus ses épaules deux vastes bouteilles de grès, attachées ensemble par une courroie.

— Et v’là un petit goûter bien organisé, reprit Sam en examinant avec grande satisfaction les préparatifs. Et maintenant, gentlemen, commencez, comme les Anglais dirent aux Français, en mettant leurs baïonnettes. »

Il ne fallut pas une seconde invitation pour engager la société à rendre pleine justice au repas, et il ne fallut pas plus d’instances pour décider Sam, le grand garde-chasse et les deux gamins à s’asseoir sur l’herbe, à une petite distance, et à battre en brèche une proportion décente de la victuaille. Un vieux chêne accordait son agréable ombrage aux deux groupes de convives, tandis que devant eux se déroulait un superbe paysage, entrecoupé de haies verdoyantes et richement orné de bois.

« Ceci est délicieux ! tout à fait délicieux ! s’écria M. Pickwick, avec un visage rayonnant, dont la peau pelait rapidement sous l’influence brûlante du soleil.

— Oui vraiment, vieux camarade, répliqua M. Wardle, allons, un verre de punch ?

— Avec grand plaisir, répondit M. Pickwick ; et l’expression radieuse de sa physionomie, après qu’il eût bu, témoigna de la sincérité de ses paroles.

— Bon ! dit le philosophe en faisant claquer ses lèvres ; très-bon ! J’en vais prendre un autre verre. Frais ! très-frais !… Allons ! messieurs, poursuivit-il sans lâcher la bouteille, un toast ! Nos amis de Dingley-Dell ! »

Le toast fut bu avec de bruyantes acclamations.

« Je vais vous apprendre comment je m’y prendrai pour retrouver mon adresse à la chasse, dit alors M. Winkle, qui mangeait du pain et du jambon avec un couteau de poche. Je met-