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que le premier ; puis un autre coup de tonnerre, plus épouvantable que le précédent ; puis enfin arriva la pluie, plus terrible encore que les uns et les autres.

M. Pickwick savait parfaitement qu’un arbre est un très-dangereux voisin pendant un orage : or, il avait un arbre à sa droite, un autre à sa gauche, un troisième devant lui, un quatrième derrière. S’il restait où il était, il risquait d’être foudroyé ; s’il se montrait au milieu du jardin, il pouvait être saisi et livré aux constables. Une ou deux fois il essaya d’escalader le mur ; mais, n’ayant alors aucun aide, le seul résultat de ses efforts fut de mettre toute sa personne dans un état de transpiration abondante, et d’opérer sur ses genoux et sur les os de ses jambes une infinité d’égratignures.

« Quelle épouvantable situation ! » se dit-il à lui-même, en s’arrêtant après cet exercice pour essuyer son front et pour frotter ses genoux. En même temps, il regardait vers la maison, et n’y voyant plus de lumière, il se flatta que tout le monde serait couché ; il résolut donc de répéter son signal.

Il marche sur la pointe du pied, dans le sable humide ; il frappe à la porte ; il retient son haleine ; il écoute à travers le trou de la serrure. Pas de réponse. C’est singulier. Un autre coup. Il écoute de nouveau ; un chuchotement se fait entendre dans l’intérieur, et une voix crie ensuite :

« Qui va là ?

— Ce n’est pas Job, pensa M. Pickwick en s’aplatissant contre le mur. C’est une voix de femme. »

À peine était-il arrivé à cette conclusion, qu’une fenêtre du premier étage s’ouvrit, et trois ou quatre voix de femmes répétèrent la question : « Qui est là ? »

M. Pickwick n’osa pas bouger. Il était clair que toute la maison était réveillée. Il résolut de rester où il était jusqu’à ce que l’alarme fût apaisée, et ensuite de faire un effort surnaturel, d’escalader le mur, ou de périr dans cette noble entreprise.

Comme toutes les résolutions de M. Pickwick, celle-ci était la meilleure qu’il pût prendre dans les circonstances données ; mais malheureusement elle était fondée sur l’hypothèse que les habitants de la maison n’oseraient point rouvrir la porte. Quel fut donc son désappointement lorsqu’il entendit tirer barres et verrous, et lorsqu’il vit la porte s’entre-bâiller lentement, mais de plus en plus. Il fit retraite, pas à pas, jusqu’auprès des gonds ; mais ce fut en vain qu’il s’effaça contre le