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À la fin, mordant sa lèvre mince et se redressant un peu, elle dit d’une voix aigrelette ;

« Cela ne se peut pas. Je ne veux pas le croire.

— Épiez-les, répliqua M. Jingle.

— Je le ferai.

— Épiez les regards de Tupman.

— Je le ferai.

— Ses chuchotements.

— Je le ferai !

— Il ira s’asseoir auprès d’elle à dîner.

— Nous verrons.

— Il lui fera des compliments.

— Nous verrons.

— Et il vous plantera là.

— Me planter là ! cria-t-elle en tremblant de rage. Me planter là !

— Avez-vous des yeux pour vous en convaincre ? reprit M. Jingle.

— Oui.

— Montrerez-vous du caractère ?

— Oui.

— L’écouterez-vous ensuite ?

— Jamais !

— Prendrez-vous un autre amant ?

— Oui.

— Ce sera moi ? »

Et M. Jingle tomba sur ses genoux et y resta pendant cinq minutes. Quand il se releva, il était l’amant accepté de la tante demoiselle, conditionnellement, toutefois, et pourvu que l’infidélité de M. Tupman fût rendue manifeste.

M. Jingle devait en fournir des preuves, et elles arrivèrent dès le dîner. Miss Rachel pouvait à peine en croire ses yeux. M. Tracy Tupman était assis à côté d’Émily, lorgnant, souriant, parlant bas, en rivalité avec M. Snodgrass. Pas un mot, pas un regard, pas un signe n’étaient dirigés vers celle qui, le soir précédent, était l’orgueil de son cœur.

« Damné garçon ! pensa le vieux Wardle, qui avait appris de sa mère toute l’histoire ; damné garçon ! Il était endormi. C’est pure imagination !

— Scélérat ! pensait la tante demoiselle. Cher monsieur Jingle, vous ne me trompiez pas. Oh ! que je déteste le misérable ! »