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CHAPITRE IX.


Si la vieille maison sombre qui se trouve près de la pelouse à Richmond est jamais hantée après ma mort, assurément ce sera par mon esprit. Oh ! combien de fois… combien de nuits… combien de jours… mon esprit inquiet a-t-il visité cette maison quand Estelle y demeurait ! Que mon corps fût n’importe où, mon âme errait, errait, errait sans cesse dans cette maison.

La dame chez laquelle on avait placé Estelle s’appelait Mrs Brandley ; elle était veuve et avait une fille de quelques années plus âgée qu’Estelle. La mère paraissait jeune et la fille vieille. Le teint de la mère était rosé, celui de la jeune fille était jaune. La mère donnait dans la frivolité, la fille dans la théologie. Elles étaient dans ce qu’on appelle une bonne position ; elles faisaient fréquemment des visites et recevaient un grand nombre de personnes. Je ne sais s’il subsistait entre ces dames et Estelle la moindre communauté de sentiments ; mais il était convenu qu’elles lui étaient nécessaires, et qu’elle leur était nécessaire. Mrs Brandley avait été l’amie de miss Havisham, avant l’époque où cette dernière s’était retirée du monde.

Dans la maison de Mrs Brandley, comme au dehors, je souffris toutes les espèces de torture de la part d’Es-