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un trouble extraordinaire, au moment où je me rendais à l’étude de mon tuteur, avec une ponctualité modèle.

Dans la pièce d’entrée, Wemmick m’offrit ses félicitations et se frotta incidemment le nez avec un morceau de papier de soie qu’il tenait plié et que je me plaisais à regarder ; mais il ne me dit rien de plus, et me fit signe d’entrer dans le cabinet de mon tuteur. On était en novembre, et mon tuteur se tenait devant le feu, le dos appuyé contre la cheminée, les mains sous les pans de son habit.

« Eh bien ! Pip, je dois vous appeler monsieur Pip, aujourd’hui. Recevez mes félicitations, monsieur Pip. »

Nous échangeâmes une poignée de mains ; c’était un faible donneur de poignée de mains, et je le remerciai.

« Asseyez-vous, monsieur Pip, » dit mon tuteur.

Comme j’étais assis et qu’il conservait son attitude et fronçait ses sourcils en regardant ses bottes, je me sentis dans une position peu agréable, qui me rappela le jour d’autrefois où j’avais été mis sur la pierre d’un tombeau. Les deux bustes sinistres de la console n’étaient pas loin de lui, et ils avaient l’air de tenter un effort stupide et apoplectique pour se mêler à la conversation.

« Maintenant, mon jeune ami, débuta mon tuteur, comme si j’étais un témoin sur la sellette, je vais avoir un mot ou deux de conversation avec vous.

— Tout ce qu’il vous plaira, monsieur.

— À combien estimez-vous, dit M. Jaggers en se penchant d’abord pour regarder à terre, puis, rejetant sa tête en arrière pour regarder au plafond ; à combien estimez-vous le montant de ce que vous dépensez pour vivre ?

— Pour vivre, monsieur ?