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nons ici. C’est inutile, ajouta Biddy en posant la main sur mon bras, comme j’allais m’élancer dehors. Vous savez que je ne voudrais pas vous tromper : il n’est pas resté une minute là, et il est parti. »

Cela raviva mon indignation de voir Biddy poursuivie par cet individu, et je me sentis outré contre lui. Je le dis à Biddy, et j’ajoutai que je donnerais n’importe quelle somme, et que je prendrais toutes les peines du monde pour le faire partir du pays. Par degrés, elle m’amena à des paroles plus calmes ; elle me dit combien Joe m’aimait, et qu’il ne s’était jamais plaint de rien : — elle n’ajouta pas de moi, il n’en était pas besoin ; je savais ce qu’elle voulait dire, — mais qu’il remplissait toujours les devoirs de son état ; qu’il avait le bras solide, la langue calme et bon cœur.

« En effet, il serait impossible de dire trop de bien de lui, dis-je ; Biddy, nous parlerons souvent de ces choses ; car, sans doute, je viendrai souvent ici ; maintenant, je ne vais pas laisser le pauvre Joe seul. »

Biddy ne répliqua pas un mot.

« Biddy, ne m’entends-tu pas ?

— Oui, monsieur Pip.

— Sans te demander pourquoi tu m’appelles monsieur Pip, ce qui me paraît être de mauvais goût, fais-moi savoir ce que tu veux dire ?

— Ce que je veux dire ? demanda Biddy timidement.

— Biddy, dis-je, en appuyant avec force, je t’en prie, dis-moi ce que tu veux dire par là ?

— Par là ? dit Biddy.

— Allons, ne répète pas comme un écho ; autrefois, tu ne répétais pas ainsi, Biddy.

— Autrefois ? dit Biddy ; oh ! monsieur Pip ! autrefois !… »

Je songeai que je ferais bien d’abandonner aussi ce