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deux par deux. Joe et moi. Biddy et Pumblechook. M. et Mrs Hubble. On fit faire à la dépouille mortelle de ma sœur le tour par la porte de la cuisine ; et, comme c’est un point important dans un convoi funèbre que les six porteurs soient étouffés et aveuglés sous une horrible housse en velours noir à bordure blanche, le convoi ressemblait à un monstre aveugle avec douze jambes humaines, se traînant et avançant sous la direction des deux conducteurs — le postillon et son camarade.

Les voisins cependant approuvaient hautement ce cérémonial, et on nous admira beaucoup lorsque nous traversâmes le village. La partie la plus jeune et la plus agitée de la commune se précipitait à travers le cortège sans s’inquiéter de le couper, ou restait à nous attendre pour nous voir défiler aux endroits les plus avantageux. Alors les plus intrépides criaient d’un ton exalté à notre approche des coins où ils stationnaient :

« Les voici !… les voilà !…

Et nous n’étions pas du tout réjouis. Pendant cette marche je fus on ne peut plus vexé par l’abject Pumblechook qui se trouvant derrière moi persista tout le long du chemin — croyant avoir une attention délicate — à arranger mon crêpe flottant et à étendre les plis de mon manteau. Plus tard mon attention fut attirée par l’expressif orgueil de M. et de Mrs Hubble qui se gonflaient et s’enorgueillissaient démesurément de faire partie d’un convoi si distingué.

Nous aperçûmes enfin la ligne des marais qui s’étendait lumineuse devant nous, avec les voiles des vaisseaux sur la rivière, dont ils semblaient sortir, et nous arrivâmes au cimetière, auprès des tombes de mes parents, que je n’avais jamais connus :