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de sortir d’embarras. Je lui rendais souvent visite dans la sombre chambre du fond dans laquelle il vivait avec une bouteille d’encre, une patère à chapeau, une boîte à charbon, une boîte à ficelle, un almanach, un pupitre, un tabouret et une règle, et je ne me rappelle pas l’avoir vu faire autre chose que d’attendre l’occasion de faire la fortune si patiemment espérée. Si nous avions fait tout ce que nous entreprenions aussi fidèlement qu’Herbert, nous aurions pu former une république de toutes les vertus. Il n’avait rien autre chose à faire, le pauvre garçon, si ce n’est de se rendre à une certaine heure de l’après-midi au Lloyd pour voir son patron, je pense. Il ne faisait jamais autre chose au Lloyd, à ma connaissance du moins, que d’en revenir. Quand il voyait les choses très-sérieusement et qu’il fallait positivement trouver quelque expédient, il allait à la Bourse à l’heure des affaires, il entrait, il sortait et exécutait une sorte de contredanse lugubre au milieu des magnats de la finance.

« Car, me disait Herbert en rentrant dîner, un jour qu’il sortait de cette réunion, je trouve que l’occasion ne vient pas toute seule, Haendel, et qu’il faut aller la trouver… et c’est ce que je fais. »

Si nous avions eu moins d’attachement l’un pour l’autre, je crois que, par mauvaise humeur, nous nous serions querellés régulièrement tous les matins. Je détestais au-delà de toute expression cet appartement qui m’avait fait faire tant de folies, et, dans ces moments de repentir, je ne pouvais supporter la vue de la livrée du Vengeur, qui me paraissait plus coûteuse alors et moins rémunératrice qu’à tout autre moment de la journée. À mesure que mes dettes s’accumulaient, le déjeuner prenait une forme de plus en plus creuse, et dans une certaine occasion, menacé par lettres de pour-