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En traversant Hammersmith, je lui montrai la demeure de M. Mathieu Pocket, en lui disant que ce n’était pas bien éloigné de Richmond, et que j’espérais bien la voir quelquefois.

« Oh ! oui, vous me verrez… Vous viendrez quand vous le jugerez convenable… On doit vous annoncer à la famille… On vous a même déjà annoncé. »

Je lui demandai si c’était une famille nombreuse que celle dont elle allait faire partie.

« Non, il n’y a que deux personnes : la mère et la fille ; la mère est une dame d’un certain rang, je crois, mais qui ne dédaigne pas d’augmenter son revenu.

— Je m’étonne que miss Havisham ait pu se séparer de vous encore une fois et si tôt.

— Cela fait partie de ses projets sur moi, Pip, dit Estelle avec un soupir comme si elle était fatiguée. Je dois lui écrire constamment et la voir régulièrement, et lui dire comment je vais, moi et mes bijoux, car ils sont presque tous à moi maintenant. »

C’était la première fois qu’elle m’eût encore appelé par mon nom ; sans doute elle le fit avec intention, et sachant bien que je ne le laisserais pas tomber à terre.

Nous arrivâmes à Richmond, hélas ! bien trop vite. Le lieu de notre destination était une maison près de la prairie, une vieille et grave maison où les paniers, la poudre et les mouches, les habits brodés, les bas rembourrés, les manchettes et les épées avaient eu leurs beaux jours, mais il y avait longtemps. Quelques vieux arbres devant la maison étaient encore coupés d’une façon aussi surannée et aussi peu naturelle que les paniers, les perruques et les anciens habits à pans roides ; mais le moment n’était pas loin où leurs places dans la grande procession des morts allaient être désignées, et