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différentes comme une tache à demi effacée mais non enlevée, et je ne pouvais l’empêcher de se mêler à ma fortune et à mes progrès dans le monde. Je pensais aussi à la belle Estelle, si fière et si distinguée qui venait à moi, et je songeais avec une extrême horreur au contraste qui existait entre elle et la prison. J’aurais donné beaucoup alors pour que Wemmick ne m’eût pas rencontré ou bien que je ne lui eusse pas cédé en allant avec lui. Je sentais que j’allais retrouver Newgate toujours et partout, imprégné jusque dans mes habits et dans l’air que je respirais. Je secouai la poussière de la prison restée à mes pieds ; je l’enlevai de mes habits et l’exhalai de mes poumons. J’étais si troublé au souvenir de la personne qui allait venir, je me trouvais tellement indigne d’elle que je n’eus plus conscience du temps. La voiture me parut donc arriver assez promptement après tout, et je n’étais pas encore débarrassé de la souillure de conscience que m’avait communiquée la serre de M. Wemmick, quand je vis Estelle passer sa tête à la portière et me faire signe en agitant la main.

Qu’était donc cette ombre sans nom qui passait encore dans cet instant ?


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