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Et nous gardâmes encore le silence, jusqu’au moment où elle reprit :

« J’étais loin de penser que je prendrais congé de vous en quittant cet endroit ; je suis bien aise de le faire.

— Vous êtes bien aise de nous séparer encore, Estelle ? Pour moi, partir est une pénible chose ; pour moi, le souvenir de notre séparation a toujours été aussi triste que pénible…

— Mais vous m’avez dit autrefois, repartit Estelle avec animation : « Dieu vous bénisse, Dieu vous pardonne ! » Et si vous avez pu me dire cela alors, vous n’hésiterez pas à me le dire maintenant… maintenant que la souffrance a été plus forte que toutes les autres leçons, et m’a appris à comprendre ce qu’était votre cœur. J’ai été courbée et brisée, mais, je l’espère, pour prendre une forme meilleure. Soyez aussi discret et aussi bon pour moi que vous l’étiez, et dites-moi que nous sommes amis.

— Nous sommes amis, dis-je en me levant et me penchant vers elle au moment où elle se levait de son banc.

— Et continuerons-nous à rester amis séparables ? » dit Estelle.

Je pris sa main dans la mienne et nous nous rendîmes à la maison démolie ; et, comme les vapeurs du matin s’étaient levées depuis longtemps quand j’avais quitté la forge, de même les vapeurs du soir s’élevaient maintenant, et dans la vaste étendue de lumière tranquille qu’elles me laissaient voir, j’entrevis l’espérance de ne plus me séparer d’Estelle.

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FIN DE LA TROISIÈME ET DERNIÈRE PÉRIODE
DES ESPÉRANCES DE PIP.