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CHAPITRE XXX.


Depuis onze ans, je n’avais vu de mes propres yeux ni Joe ni Biddy, bien qu’ils se fussent souvent présentés à mon imagination, pendant mon séjour en Orient, quand un soir de décembre, qu’il faisait nuit depuis une heure ou deux, je posai doucement la main sur le loquet de la porte de la vieille cuisine. Je le touchai si doucement, qu’on ne m’entendit pas et je regardai à l’intérieur sans être vu. Là, fumant sa pipe à son ancienne place, près du feu de la cuisine, aussi bien conservé et aussi fort que jamais, bien qu’un peu gris, était assis Joe, et, dans le coin, abrité par la jambe de Joe, et assis sur mon petit tabouret, et regardant le feu, on voyait qui ?… Moi encore !

« Nous lui avons donné le nom de Pip en souvenir de vous, mon cher vieux camarade, dit Joe, rempli de joie, quand il me vit prendre un autre tabouret à côté de l’enfant, à qui je ne tirai pas les cheveux, et nous avons espéré qu’il grandirait un petit bout comme vous, et nous croyons que c’est ce qu’il fait. »

Je le croyais aussi, et je lui fis faire une longue promenade le lendemain matin ; nous causâmes beaucoup, nous comprenant l’un l’autre parfaitement. Je le conduisis au cimetière ; je le menai à une certaine tombe,