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donné ; je ne puis prendre cela. N’agissez pas ainsi avec un subordonné. Si vous ne pouvez pas fournir le montant, mon garçon, vous feriez mieux de vous adresser à un autre patron. Ils sont nombreux dans la profession, vous savez, et ce qui ne vaut pas la peine pour l’un est suffisant pour l’autre. C’est ce que je vous recommande en ma qualité de subordonné. Ne prenez pas une peine inutile, à quoi bon ? À qui le tour ? »

C’est ainsi que nous nous promenâmes dans la serre de Wemmick jusqu’à ce qu’il se tournât vers moi, et me dit :

« Faites attention à l’homme auquel je vais donner une poignée de main. »

Je n’aurais pas manqué de le faire sans y être engagé, car il n’avait encore donné de poignée de main à personne.

Presque aussitôt qu’il eut fini de parler, un gros homme roide, que je vois encore en écrivant, dans un habit olive à la mode, avec une certaine pâleur s’étendant sur son teint naturellement rouge, et des yeux qui allaient et venaient de tous côtés quand il essayait de les fixer, arriva à un des coins de la grille, et porta la main à son chapeau, qui avait une surface graisseuse et épaisse comme celle d’un bouillon froid, en faisant un salut militaire demi-sérieux, demi-plaisant.

« Bien à vous, colonel ! dit Wemmick. Comment allez-vous, colonel ?

— Très-bien, monsieur Wemmick.

— On a fait tout ce qu’il était possible de faire, mais les preuves étaient trop fortes contre nous, colonel.

— Oui, elles étaient trop fortes, monsieur, mais ça m’est égal.

— Non, non, dit Wemmick froidement, ça ne vous est pas égal. Puis se tournant vers moi : Il a servi Sa