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Le temps accordé s’écoula pendant que nous étions ainsi, mais en regardant autour de moi, je vis le gouverneur de la prison, et il me dit tout bas :

« Vous pouvez rester encore. »

Je le remerciai avec effusion et lui demandai :

« Pourrais-je lui parler, s’il peut encore m’entendre ? »

Le gouverneur s’éloigna et renvoya l’officier. Ce changement, quoique fait sans bruit, souleva le voile qui recouvrait ses yeux, et il me regarda de la façon la plus affectueuse :

« Cher Magwitch, je dois vous dire enfin… vous comprenez, n’est-ce pas, ce que je dis ?… »

Et je sentis une douce pression sur ma main.

« Vous avez eu une fille autrefois, que vous avez aimée et perdue ?… »

Une pression plus forte sur ma main.

« Elle a vécu et trouvé de puissants amis ; elle vit encore ; c’est une vraie dame ; elle est très-belle, et je l’aime ! »

Avec un dernier effort qui eût été insensible, si je ne m’y étais prêté en l’aidant, il porta ma main à ses lèvres, puis il la laissa retomber sur sa poitrine en y appuyant les deux siennes ; le regard placide levé au plafond reparut et disparut, et sa tête retomba doucement sur sa poitrine.

Me rappelant alors ce que nous avions lu ensemble, je pensais aux deux hommes qui entrèrent dans le Temple pour prier, et je ne trouvai rien de mieux à dire à son chevet que de répéter ces paroles :

« Ô Seigneur, ayez pitié de lui, c’est un pauvre pécheur. »


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