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plus j’en étais près, moins je désespérais et plus j’avais d’espoir qu’elles réussiraient. Dans cette inquiétude déraisonnable et dans ce trouble d’esprit, je rôdais dans les rues le soir, autour des bureaux et des maisons où j’avais déposé ces pétitions. Aujourd’hui encore, les rues tumultueuses de l’ouest de Londres, par une nuit poussiéreuse du printemps, avec leurs rangées de sévères hôtels fermés et leurs longues files de candélabres, me remplissent de tristesse en me rappelant ce souvenir.

Les visites quotidiennes que je pouvais faire à Magwitch étaient maintenant plus courtes, et on le gardait plus strictement. Voyant ou m’imaginant qu’on me soupçonnait d’avoir l’intention de lui porter du poison, je demandai à être fouillé avant de m’asseoir à côté de lui, et je dis à l’officier qui était toujours présent que j’étais disposé à faire tout ce qui pourrait le convaincre de la sincérité de mes desseins. Personne ne se montrait dur, ni avec lui, ni avec moi. Il y avait un devoir à remplir, et on le remplissait, mais sans dureté. L’officier me donnait toujours l’assurance que le condamné était plus mal, et quelques prisonniers malades qui étaient dans la chambre, et d’autres prisonniers qui remplissaient auprès d’eux les fonctions d’infirmiers (c’étaient des malfaiteurs, mais qui n’étaient pas pour cela, Dieu merci ! incapables de bons sentiments), me faisaient toujours les mêmes rapports.

Plus les jours s’écoulaient, et plus je remarquai qu’il restait couché tranquillement, regardant le plafond blanc, avec un visage sans aucune animation, jusqu’à ce que quelques mots prononcés par moi l’illuminassent un instant, et alors il revenait à la vie. Quelquefois il lui était presque tout à fait impossible de parler ; alors il me répondait en me pressant légèrement la