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moindre indice favorable ; il s’usait lentement et devenait plus faible et plus malade de jour en jour, depuis celui où la porte de la prison s’était refermée sur lui.

L’espèce de soumission ou de résignation qu’il montrait était celle d’un homme épuisé. À ses manières, ou à un ou deux mots qui lui échappaient tout bas, de temps en temps, je pus soupçonner qu’il se demandait souvent s’il aurait pu être meilleur, placé dans de meilleures circonstances ; mais il n’essayait jamais de se justifier, et de faire du passé autre chose que ce qu’il avait été.

Il arriva, en deux ou trois occasions, en ma présence, qu’une des personnes chargées de le garder parla de sa détestable réputation. Un sourire passait alors sur son visage, et il tournait les yeux de mon côté d’un air confiant, comme pour me prendre à témoin que j’avais reconnu en lui quelques qualités compensatrices, même dans le temps où je n’étais encore qu’un petit garçon. Pour tout le reste, il se montra humble et repentant, et je ne l’entendis jamais se plaindre.

Quand arriva l’époque de la session des assises, M. Jaggers demanda que son jugement fût remis à la session suivante, ayant l’assurance intime qu’il ne vivrait pas jusque-là, mais on le refusa. Le jour du jugement arriva, et quand il fut amené à la barre, on l’assit sur une chaise, et on ne m’empêcha pas de me placer derrière lui, et de tenir la main qu’il me tendait.

Les débats furent très-courts et très-précis, tout ce qu’on put dire en sa faveur fut dit : comment il avait pris goût aux habitudes de travail, et comment il avait réussi légalement et honorablement. Mais rien ne pouvait atténuer le fait qu’il avait rompu son ban, et qu’il était là pour en répondre devant le juge et le jury. Il