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Le vieux gentleman, ne sachant pas le moins du monde à quel point de la cérémonie nous étions arrivés, continua à répéter d’un air aimable et rayonnant les dix commandements, sur quoi le clergyman répéta :

« Qui donne cette femme en mariage à cet homme ? »

Le vieux gentleman n’ayant pas la moindre idée de ce qu’on lui demandait, le jeune marié s’écria de sa voix ordinaire :

« Allons, vieux père, vous savez… qui donne ? »

À quoi le vieux répliqua avec une grande volubilité, avant de répondre que c’était lui qui donnait :

« Très-bien ! John, très-bien ! mon garçon. »

Le ministre fit alors une pause de si mauvais augure, que je me demandai si nous serions complètement mariés ce jour-là.

Le mariage fut consommé cependant, et quand nous sortîmes de l’église, Wemmick ouvrit le couvercle des fonts baptismaux, y déposa ses gants blancs et le referma. Mrs Wemmick, plus prévoyante, mit ses gants blancs dans sa poche et remit ses verts.

« Maintenant, monsieur Pip, dit Wemmick en plaçant triomphalement sa ligne à pécher sur son épaule à la sortie de l’église, dites-moi si quelqu’un supposerait en nous voyant que c’est une noce. »

On avait commandé à déjeuner à une jolie petite taverne, à un mille ou deux sur le coteau, au-delà de la prairie, et il y avait une table de jeu dans la chambre, pour le cas où nous aurions voulu nous délasser l’esprit après la solennité. Il était amusant de voir que Mrs Wemmick ne repoussait plus le bras de Wemmick quand il entourait sa taille ; elle se tenait sur une chaise adossée contre la muraille, comme un violoncelle dans sa caisse, et se soumettait à se laisser embrasser comme aurait pu le faire ce mélodieux instrument.