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été prévenu d’avance de son retour, et il était si bien résolu à le livrer, que je ne pense pas qu’on eût pu le sauver. Cependant les valeurs portatives auraient certainement pu être sauvées. Voilà la différence entre les valeurs et leur possesseur, ne voyez-vous pas ? »

J’invitai Wemmick à monter et à prendre un verre de grog avant de partir pour Walworth. Il accepta l’invitation, et, en buvant le peu que contenait son verre, il me dit, sans aucun préambule, et après avoir paru quelque peu embarrassé :

« Que pensez-vous de mon intention de prendre un congé lundi, monsieur Pip ?

— Mais je suppose que vous n’avez rien fait de semblable durant les douze mois qui viennent de s’écouler.

— Les douze ans plutôt, dit Wemmick. Oui, je vais prendre un jour de congé ; plus que cela, je vais faire une promenade ; plus que cela, je vais vous demander de faire une promenade avec moi. »

J’allais m’excuser, comme n’étant qu’un bien pauvre compagnon, quand Wemmick me prévint.

« Je connais vos engagements, dit-il, et je sais que vous êtes rebattu de ces sortes de choses, monsieur Pip ; mais, si vous pouviez m’obliger, je le considèrerais comme une grande bonté de votre part. Ça n’est pas une longue promenade, et c’est une promenade matinale. Cela vous prendrait, par exemple (en comptant le déjeuner, après la promenade), de huit heures à midi. Ne pourriez-vous pas trouver moyen d’arranger cela ? »

Il avait tant fait pour moi à différentes reprises, que c’était en vérité bien peu de chose à faire en échange pour lui être agréable. Je lui dis que j’arrangerais cela, que j’irais ; et il fut si enchanté de mon consentement, que moi-même j’en fus satisfait. À sa demande, je con-