C’est à cette sombre époque de ma vie qu’Herbert rentra un soir très-abattu et dit :
« Mon cher Haendel, je crains d’être bientôt obligé de vous quitter. »
Son associé m’ayant préparé à cette communication, je fus moins surpris qu’il ne l’avait pensé.
« Nous perdrons une belle occasion si je refuse d’aller au Caire, et je crains fort d’être forcé d’y aller, Haendel, au moment où vous aurez le plus besoin de moi.
— Herbert, j’aurai toujours besoin de vous, parce que je vous aimerai toujours ; mais ce besoin n’est pas plus grand aujourd’hui qu’à aucune autre époque.
— Vous allez être si isolé !
— Je n’ai pas le loisir de penser à cela, dis-je ; vous savez que je suis toujours avec lui, tout le temps qu’on me le permet, et que je serais avec lui toute la journée, si je le pouvais ; et quand je m’éloigne de lui, vous le savez, mes pensées sont avec lui. »
La terrible situation où se trouvait Magwitch était si effrayante pour tous deux que nous ne pouvions en parler plus clairement.
« Mon cher ami, dit Herbert, que la perspective de notre séparation, car elle est très-proche, soit mon excuse pour vous tourmenter sur vous-même. Avez-vous pensé à votre avenir ?
— Non, car j’ai eu peur de penser à n’importe quel avenir.
— Mais il ne faut pas négliger le vôtre. En vérité, mon cher Haendel, il ne faut pas le négliger. Je désirerais vous voir y songer dès à présent, faites-le, je vous en prie… si vous avez un peu d’amitié pour moi.
— Je le ferai, dis-je.