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temps, la galiote, très-habilement conduite, nous avait coupés et se maintenait à côté de nous, laissant dériver quand nous dérivions, et donnant un ou deux coups d’avirons quand nous les donnions. Des deux hommes assis, l’un tenait le gouvernail et nous regardait avec attention, comme le faisaient aussi les rameurs ; l’autre était enveloppé aussi bien que Provis : il semblait trembler et donner quelques instructions à celui qui gouvernait, pendant qu’il nous regardait. Pas un mot n’était prononcé dans l’un ni dans l’autre bateau.

Startop put voir, après quelques minutes, quel était le steamer qui venait le premier ; il me passa le mot Hambourg, à voix basse, car nous étions en face l’un de l’autre. Le bateau à vapeur approchait rapidement, et le bruit de ses roues devenait de plus en plus distinct. Je sentais que son ombre était absolument sur nous ; à ce moment, la galiote nous héla ; je répondis.

« Vous avez là un forçat en rupture de ban, dit celui qui tenait le gouvernail, c’est l’homme enveloppé dans son manteau. Il s’appelle Abel Magwitch, autrement dit, Provis. J’arrête cet homme et je lui enjoins de se rendre, et à vous de nous aider. »

À ce moment, sans donner d’ordre à son équipage, il dirigea la galiote sur nous. Les rameurs avaient donné un coup vigoureux en avant, rentré leurs avirons et arrivaient sur nous en travers ; ils tenaient notre plat-bord avant que nous eussions pu nous rendre compte de ce qu’ils voulaient faire. Cet incident produisit une grande confusion à bord du steamer, et j’entendis l’équipage nous appeler et le capitaine donner l’ordre d’arrêter les roues. Je les entendis s’arrêter, mais la galiote était lancée irrésistiblement sur nous. Au même instant, je vis l’homme qui était au gouvernail de la galiote mettre la main sur l’épaule de son pri-