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Je vis l’escalier avec ses lampes éteintes ; je vis l’ombre de la massive rampe projetée sur la muraille par la lanterne du veilleur de nuit ; je vis les chambres que je ne devais jamais plus revoir : ici une porte entr’ouverte, là une porte fermée, tous les meubles çà et là.

« Et pourquoi le vieil Orlick était-il là ? Je vais te dire quelque chose de plus, loup. Toi et elle m’avez si bien chassé de ce pays, en m’empêchant d’y gagner ma vie, que j’ai choisi de nouveaux compagnons et de nouveaux maîtres. Les uns écrivent mes lettres quand j’en ai besoin, entends-tu ? écrivent mes lettres, loup, écrivent cinquante écritures ! Ce n’est pas comme ton faquin d’individu, qui n’en sait écrire qu’une. J’ai eu la ferme intention et la ferme volonté de t’ôter la vie, depuis que tu es venu ici à l’enterrement de ta sœur ; je n’ai pas trouvé le moyen de me saisir de toi, et je t’ai suivi pour connaître tes allées et tes venues ; car, s’est dit le vieil Orlick en lui-même, d’une manière ou d’une autre, je l’attraperai ! Eh ! quoi ! en te cherchant, j’ai trouvé ton oncle Provis. Hé !… »

Le Moulin du Bord de l’Eau, le Bassin aux Écus et la Vieille Corderie, le tout si clair et si net ! Provis dans sa chambre et le signal convenu, la jolie Clara, la bonne femme si maternelle, le vieux Bill Barley sur son dos, le tout passa devant moi comme le cours rapide de ma vie, en descendant promptement vers la mer !

« Mais je te tiens et ton oncle aussi ! Quand je t’ai connu chez Gargery, tu étais un loup si petit que j’aurais dû te prendre le cou entre ce doigt et le pouce, et t’étrangler (comme j’ai pensé souvent à le faire), quand je te voyais flâner parmi les joncs, le dimanche, et tu n’avais pas encore trouvé d’oncle, toi, dans ce temps-là !… Mais pense à ce que le vieil Orlick a