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culaire, placée à quelques pouces de la muraille, et fixée en cet endroit pour aider à monter au grenier.

« Maintenant, dit-il, quand nous nous fûmes regardés pendant quelque temps, je te tiens.

— Déliez-moi !… Laissez-moi partir !

— Ah ! répondit-il, je te laisserai partir ! Je te laisserai partir à la lune, je te laisserai partir aux étoiles, quand il en sera temps.

— Pourquoi m’avez-vous attiré ici ?

— Ne le sais-tu pas ? dit-il avec un regard effrayant.

— Pourquoi vous êtes-vous jeté sur moi dans l’ombre ?

— Parce que je veux faire tout par moi-même. Un seul garde mieux un secret que deux. Ô mon ennemi !… mon ennemi !… »

Sa joie, au spectacle que je lui donnais, pendant qu’il était assis sur la table, les bras croisés, secouant la tête et se souriant à lui-même, montrait une méchanceté qui me faisait trembler. Pendant que je l’examinais en silence, il porta la main dans un coin à côté de lui, et prit un fusil à monture de cuivre.

« Connais-tu cela ? dit-il, en faisant mine de me mettre en joue ; sais-tu où tu l’as déjà vu ? Parle, loup !

— Oui, répondis-je.

— Tu m’as pris ma place, tu me l’as prise ! Ose donc dire le contraire !…

— Pouvais-je faire autrement ?

— Tu as fait cela, et cela serait assez, sans plus. Comment as-tu osé te mettre entre moi et la jeune femme que j’aimais ?

— Quand l’ai-je fait ?

— Quand ne l’as-tu pas fait ? C’est toi qui, constamment devant elle, donnais un vilain renom au vieil Orlick.