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Havisham se trouvait. J’eus, après cela, tout juste le temps de mettre mon manteau, de fermer notre appartement et de gagner le bureau des voitures par le plus court chemin. Si j’avais pris une voiture de place et passé par les rues j’aurais manqué mon but ; en allant à pied j’arrivai à la voiture au moment même où elle sortait de la cour. Quand je revins à moi je me trouvai le seul voyageur cahoté dans l’intérieur, et j’avais de la paille jusqu’aux genoux.

Je n’avais pas été réellement moi-même depuis la réception de la lettre, tant elle m’avait troublé, arrivant après la presse et les tracas du matin qui avaient été énormes, car, après avoir désiré, et longtemps attendu Herbert avec inquiétude, son avis était à la fin venu comme une surprise ; et maintenant je commençais à m’étonner de me trouver dans une voiture, et à douter si j’avais des raisons suffisantes pour m’y trouver, et à considérer si je n’allais pas descendre et m’en retourner, et à trouver des arguments pour ne jamais céder à une lettre anonyme ; en un mot, à passer par toutes les alternatives de contradiction et d’indécision, auxquelles, je le suppose, peu de gens agités sont étrangers. Cependant la mention du nom de Provis l’emporta sur tout. Je raisonnai comme j’avais déjà raisonné, si cela peut s’appeler raisonner, que, dans le cas où il lui arriverait malheur si je manquais d’y aller, je ne pourrais jamais me le pardonner.

Nous arrivâmes à la nuit close ; et le voyage me parut long et fatigant à moi qui ne pouvais voir que peu de choses de l’intérieur où j’étais, et qui, vu mon état impotent, ne pouvais monter à l’extérieur. Évitant le Cochon Bleu, je descendis à une auberge de réputation moindre, en bas de la ville, et je commandai à dîner. Pendant qu’on préparait mon repas, je me rendis à