Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

per à un homme, le plus soigneusement réprimé et le plus vite étouffé, mais il eut un tressaillement, bien qu’il le cachât en partie en le confondant avec le mouvement qu’il fit pour prendre son mouchoir dans sa poche. Il me serait impossible de dire comment Wemmick reçut cette nouvelle. J’évitai de le regarder en ce moment, de peur que la finesse de M. Jaggers ne découvrît qu’il y avait eu entre nous quelque communication qu’il ignorerait.

« Et les preuves, Pip ? demanda M. Jaggers d’une manière calme, en arrêtant son mouchoir à mi-chemin de son nez. Est-ce Provis qui prétend cela ?

— Il ne le dit pas, dis-je, il ne l’a jamais dit, il ne connaît rien et il ne croit pas à l’existence de sa fille. »

Pour une fois, le puissant mouchoir de poche manqua son effet. Ma réponse avait été si inattendue, que M. Jaggers remit le mouchoir dans sa poche, sans compléter l’acte ordinaire, se croisa les bras, et me regarda avec une froide attention, bien qu’avec un visage impassible.

Je lui dis alors tout ce que je savais et comment je le savais, avec la seule réserve que je lui laissai croire que je tenais de miss Havisham ce qu’en réalité je tenais de Wemmick. J’agis même avec beaucoup de prudence à cet égard ; je ne regardai pas une seule fois du côté de Wemmick avant d’avoir fini tout ce que j’avais à dire, et j’avais, pendant un moment, soutenu en silence le regard de M. Jaggers. Quant à la fin je tournai les yeux du côté de Wemmick, je vis qu’il avait retiré sa plume de sa bouche, et qu’il était occupé au bureau.

« Ah ! dit enfin M. Jaggers en se rapprochant des papiers qui se trouvaient sur la table, où étions-nous, Wemmick, quand M. Pip est entré ? »

Mais je ne pouvais pas me laisser ainsi mettre de côté,