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— Comment pourrai-je prendre soin de cette chère enfant autrement ? Étendez votre bras sur le dos du sofa, mon cher ami, je vais m’asseoir là, et ôter le bandage si graduellement et si doucement, que vous ne saurez pas quand il sera enlevé. Je parlais de Provis : savez-vous, Haendel, qu’il gagne ?

— Je vous ai dit que je le croyais plus doux, la dernière fois que je l’ai vu.

— Vous me l’avez dit, et c’est la vérité. Il s’est montré très-communicatif hier soir, et il m’en a plus dit qu’il ne m’en avait dit de sa vie. Vous vous souvenez qu’il a parlé ici d’une femme avec laquelle il a eu bien des tracas ?… Est-ce que je vous ai fait mal ? »

J’avais fait un mouvement, non à son toucher, mais à ses paroles, qui m’avaient fait tressaillir.

« J’avais oublié cela, Herbert, mais je m’en souviens, maintenant que vous en parlez.

— Eh bien ! il est entré dans cette phase de sa vie, et c’est une phase bien sombre et bien affreuse. Vous la dirai-je ? Cela ne vous fatiguera-t-il pas maintenant ?

— Dites-moi tout, quand même ; répétez-moi chaque mot ! »

Herbert se pencha en avant pour regarder de plus près, comme si ma réponse avait été plus prompte et plus vive qu’il ne s’y était attendu.

« Votre tête est-elle calme ? dit-il en la touchant.

— Parfaitement, dis-je, racontez-moi ce qu’a dit Provis, mon cher Herbert.

— Il paraît… dit Herbert. — voilà ce qui s’appelle ôter délicatement un bandage, et maintenant voici la blessure à l’air : ça vous fait frissonner d’abord, mon cher ami, n’est-ce pas ? mais cela vous fera du bien tout à l’heure. — Il paraît que la femme était une