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Miss Havisham était assise à terre, les bras sur la chaise en lambeaux, et la tête appuyée sur ses bras ; elle me regarda en plein quand je dis ceci, puis elle répondit :

« Continuez.

— De qui Estelle était-elle fille ? »

Elle secoua la tête.

« Vous ne savez pas ? »

Elle secoua de nouveau la tête.

« Mais M. Jaggers l’a-t-il amenée ou envoyée ici ?

— Il l’a amenée ici.

— Voulez-vous me dire comment cela s’est fait ? »

Elle répondit à voix basse et avec beaucoup de précaution :

« Il y avait longtemps que j’étais renfermée dans ces chambres (je ne sais pas combien il y avait de temps), quand je lui dis que je désirais avoir une jeune fille que je pusse élever, aimer et sauver de mon malheureux sort. Je l’avais vu pour la première fois lorsque je l’avais fait demander pour rendre cette maison solitaire, ayant lu son nom dans les journaux avant que le monde et moi ne nous fussions séparés. Il me dit qu’il chercherait dans ses connaissances une petite orpheline. Un soir, il l’amena ici endormie, et je l’appelai Estelle.

— Puis-je vous demander quel âge elle avait alors ?

— Deux ou trois ans ; elle-même ne sait rien, si ce n’est qu’elle était orpheline, et que je l’adoptai. »

J’étais si convaincu que la femme que j’avais vue était sa mère, que je ne demandai aucune preuve pour bien établir le fait dans mon esprit. Mais, pour tout le monde, je le pensais du moins, la parenté était claire et évidente.

Que pouvais-je espérer faire de plus en prolongeant