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lui, et lorsque enfin on le reconnut dans les saints ordres, se refusant à célébrer le service funèbre, l’indignation générale ne connut plus de bornes et le poursuivit sous la forme de coquilles de noix. En dernier lieu, Ophélia fut en proie à une folie si lente et si musicale, que, lorsque au moment voulu, elle eut ôté son écharpe de mousseline blanche, qu’elle l’eut pliée et entourée, un mauvais plaisant du parterre, qui depuis longtemps rafraîchissait son nez impatient contre une barre de fer du premier rang, s’écria :

« Maintenant que le moutard est couché, qu’on nous donne à souper. »

Ce qui, pour ne pas dire davantage, était tout à fait hors de propos.

Tous ces incidents s’accumulaient d’une manière folâtre sur mon infortuné compatriote. Toutes les fois que le prince indécis avait à faire une question ou à éclairer un doute, le public l’y aidait. Comme par exemple, à la question : s’il était plus noble à l’esprit de souffrir, quelques-uns crièrent :

« Oui ! »

Quelques-uns :

« Non. »

Et d’autres, penchant pour les deux opinions, dirent :

« Voyons, à pile ou face ! »

C’était tout à fait une conférence d’avocats. Quand il demanda pourquoi un être comme lui ramperait entre le ciel et la terre, il fut encouragé par les cris :

« Écoutez ! Écoutez ! »

Lorsqu’il parut avec son bas en désordre (ce désordre exprimé, selon l’usage, par un pli très-propre à la partie supérieure, pli que l’on obtient, je crois, à l’aide d’un fer à repasser), une discussion s’éleva dans la galerie, à propos de la pâleur de sa jambe, et le public