Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais peut-être vous ne croirez jamais maintenant qu’il y ait quelque chose d’humain dans mon cœur ? »

Quand j’eus dit quelques paroles pour la rassurer, elle étendit sa main droite toute tremblante, comme si elle allait me toucher, mais elle la retira avant que j’eusse compris son mouvement ou su comment l’accueillir.

« Vous avez dit, en parlant de votre ami, qu’il vous était possible de me dire comment je pourrais faire quelque chose d’utile et de bon, quelque chose que vous désirez qui soit fait, n’est-ce pas ?

— Quelque chose que j’aimerais beaucoup voir faire, oh ! oui ! beaucoup ! beaucoup !

— Qu’est-ce que c’est ? »

Je commençai à lui expliquer l’histoire secrète de la position commerciale que j’avais voulu créer à Herbert. Mais je n’étais pas encore bien avancé quand je jugeai, à son air, qu’elle pensait à moi d’une manière vague, plutôt qu’à ce que je disais. Cela me parut ainsi ; car lorsque je cessai de parler, il se passa bien des moments avant qu’elle témoignât qu’elle s’en était aperçue.

« Vous arrêtez-vous, me demanda-t-elle enfin, en ayant l’air d’avoir peur de moi, parce que vous me haïssez trop pour supporter de me parler ?

— Non, non, répondis-je, comment pouvez-vous penser cela, miss Havisham ? Je me suis arrêté parce que j’ai supposé que vous n’écoutiez pas ce que je disais.

— C’est peut-être vrai, répondit-elle, en portant une main à sa tête. Recommencez, je vais regarder autre chose, attendez ! Dites maintenant. »

Elle posa ses mains sur sa canne, de la manière résolue qu’elle prenait quelquefois, et regarda le feu ;