Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nal, et le jour du jugement, où il ne pouvait plaider lui-même, il se tint près de l’avocat, et, chacun le sait, c’est lui qui mit tout le sel et le poivre. La personne assassinée était une femme, une femme qui avait une dizaine d’années de plus que la gouvernante, et qui était bien plus grande et bien plus forte. C’était un cas de jalousie. Toutes deux avaient mené une vie déréglée, et cette femme avait été mariée très-jeune sous le manche à balai (comme nous disons) à un coureur, et c’était une vraie furie en matière de jalousie. La femme assassinée, mieux assortie à l’homme, certainement par rapport à l’âge, fut trouvée morte dans une grange, près de Hounslow Heath. Il y avait eu une lutte violente, un combat peut-être. Elle était contusionnée, égratignée et déchirée ; elle avait été prise à la gorge, et enfin étouffée. Or, il n’y avait aucune preuve pour faire soupçonner une autre personne que cette femme, et c’est principalement sur l’impossibilité pour elle d’avoir commis le meurtre, que M. Jaggers la défendait. Vous pouvez être certain, dit Wemmick en me touchant le bras, qu’il ne fit alors aucune allusion à la force de ses poignets, bien qu’il en fasse quelquefois maintenant. »

J’avais raconté à Wemmick qu’il lui avait fait nous montrer ses poignets le jour du dîner.

« Eh bien, monsieur, continua Wemmick, il arriva… il arriva… devinez-vous ? Que cette femme fut habillée avec tant d’artifice, depuis le jour de son arrestation, qu’elle parut bien plus faible qu’elle ne l’était réellement ; ses manches surtout avaient été si habilement arrangées, que ses bras avaient une apparence tout à fait délicate. Elle avait seulement une ou deux contusions sur sa personne, et ne paraissait pas avoir été frappée à coups de pied, mais le dessus de