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portière de la voiture ; et comment il était revenu encore une fois, et m’avait traversé comme l’éclair quand j’avais passé dans une voiture, n’étant pas seul, à travers l’éclat soudain d’une lumière dans une rue obscure, je pensais comment un anneau d’affinité qui manquait m’avait empêché de reconnaître cette identité au théâtre, et comment cet anneau qui manquait auparavant, avait été rivé par moi maintenant que je passais par hasard du nom d’Estelle aux doigts qui remuaient comme s’ils tricotaient et aux yeux attentifs, et je fus parfaitement convaincu que cette femme était la mère d’Estelle.

M. Jaggers m’avait vu avec Estelle, et il n’était pas probable que des sentiments que je ne m’étais pas donné la peine de cacher lui eussent échappé. Il fit un signe d’assentiment quand je dis que ce sujet m’était pénible, me frappa sur l’épaule, fit circuler le vin encore une fois, et continua son dîner.

Seulement deux fois encore la gouvernante reparut, et alors son séjour dans la salle fut très-court, et M. Jaggers se montra sec avec elle. Mais ses mains étaient les mains d’Estelle, et ses yeux étaient les yeux d’Estelle, et, quand elle aurait reparu cent fois je n’aurais été ni plus ni moins certain que ma conviction était la vérité.

Ce fut une soirée bien triste, car Wemmick buvait son vin quand la carafe passait devant lui comme s’il eût rempli un devoir, juste comme il aurait pu prendre son salaire, le premier du mois, et, les yeux sur son chef, il se tenait perpétuellement prêt à subir un contre-interrogatoire. Quant à la quantité de vin, sa bouche était aussi indifférente et prête que toute autre boîte aux lettres à recevoir sa quantité de lettres. À mon point de vue, il fut tout le temps le mauvais Wemmick,