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et regarda M. Jaggers d’un air à la fois boudeur et satisfait, mais il ne me regarda pas.

« Ainsi, Pip, dit M. Jaggers, notre ami Drummle a joué ses cartes et il a gagné la partie. »

Tout ce que je pus faire ce fut d’ébaucher un signe d’assentiment.

« Ah ! c’est un garçon qui promet, dans son genre ; mais il pourrait bien ne pas pouvoir suivre ses inclinations. Le plus fort finira par l’emporter ; mais le plus fort est encore à trouver. S’il allait l’être, et s’il la battait…

— Assurément, interrompis-je la tête et le cœur en feu, vous ne pensez pas qu’il soit assez scélérat pour agir ainsi, monsieur Jaggers ?

— Je n’ai pas dit cela, Pip, je fais une supposition. S’il arrivait à la battre, il se peut qu’il ait la force pour lui ; si c’était une question d’intelligence, il ne le ferait certainement pas. Il serait bien difficile de donner une opinion sur ce qu’un individu de cette espèce peut devenir dans telle circonstance, parce qu’il y a autant de chance pour l’un comme pour l’autre de ces deux résultats.

— Expliquez-moi donc cela.

— Un garçon comme notre ami Drummle, répondit M. Jaggers, ou bat ou rampe. Il peut ramper et se plaindre, ou ramper et ne pas se plaindre, mais il bat ou il rampe. Demandez à Wemmick ce qu’il en pense.

— Il bat ou il rampe, dit Wemmick sans s’adresser à moi le moins du monde.

— Ainsi, voici pour Mrs Bentley Drummle, dit M. Jaggers en prenant une carafe de vin de choix sur son buffet, et remplissant nos verres et le sien, et puisse la question de suprématie se terminer à la satisfaction de madame ! ce ne sera jamais à la satis-