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aux sentiments que Wemmick professait chez lui, cependant je n’aurais eu aucune objection à rencontrer de temps en temps un coup d’œil amical de sa part. Mais il n’en devait pas être ainsi. Toutes les fois qu’il levait les yeux de dessus la table, c’était pour les porter sur M. Jaggers, et il était sec et froid avec moi comme s’il y eût eu deux Wemmick, et que celui qui était devant moi eût été le mauvais.

« Avez-vous envoyé la lettre de miss Havisham à M. Pip, Wemmick ? demanda M. Jaggers quand nous eûmes commencé à dîner.

— Non, monsieur, répondit Wemmick ; elle allait partir par la poste quand vous êtes entré avec M. Pip dans l’étude, la voici. »

Il la tendit à son patron au lieu de me la donner.

« C’est une lettre de deux lignes, Pip, dit M. Jaggers en me la passant, que m’a envoyée miss Havisham parce qu’elle n’était pas sûre de votre adresse. Elle me dit qu’elle désire vous voir pour une petite affaire dont vous lui aviez parlé. Irez-vous ?…

— Oui, dis-je en jetant les yeux sur la lettre qui était conçue exactement en ces termes.

— Quand croyez-vous pouvoir y aller ?

— J’ai une affaire urgente à terminer, dis-je en regardant Wemmick qui mangeait du poisson, cela m’empêche de pouvoir préciser l’époque, mais peut-être irai-je de suite.

— Si M. Pip a l’intention d’y aller tout de suite, dit Wemmick à M. Jaggers, il n’est pas nécessaire qu’il fasse une réponse, n’est-ce pas ? »

Recevant ceci comme un avertissement qu’il valait mieux ne pas mettre de retard, je décidai que j’irais le lendemain, et je le dis. Wemmick but un verre de vin