Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je ne crains pas d’admettre non plus que je ne suis pas invité.

— Alors, dit M. Jaggers, venez dîner avec moi. »

J’allais m’excuser quand il ajouta :

« Wemmick y sera. »

Je changeai donc mon refus en acceptation, les quelques mots que j’avais prononcés pouvant servir de commencement à l’une comme à l’autre phrase. Nous longeâmes Cheapside et nous gagnâmes la Petite Bretagne pendant que les lumières commençaient à jaillir brillamment des devantures des boutiques, et que les allumeurs de réverbères, trouvant à peine assez de place pour poser leurs échelles dans la foule qui montait et descendait continuellement, ouvraient plus d’yeux rouges dans le brouillard qui s’élevait que ma tour, servant de veilleuse, n’avait ouvert d’yeux blancs sur la muraille fantastique des Hummums.

À l’étude de la Petite Bretagne, il y eut le courrier ordinaire, le lavage des mains, le mouchage des chandelles, et la fermeture de la caisse qui terminait les occupations de la journée. Pendant que je me tenais devant le feu de M. Jaggers, sa flamme, en s’élevant et en s’abaissant, donnait aux deux bustes de la tablette la même apparence que s’ils avaient joué avec moi un jeu diabolique et à qui baisserait les yeux le premier. Quant à la paire de grasses et communes chandelles du bureau, elles éclairaient tristement M. Jaggers, qui écrivait dans son coin, et elles étaient décorées de sales feuilles de papier, qui les entouraient comme un linceul en souvenir d’une quantité de clients pendus.

Nous nous rendîmes tous trois ensemble à Gerrard Street dans une voiture de place. Dès que nous y arrivâmes, on servit le dîner. Bien que je n’eusse pas dû songer à faire dans cette maison la moindre allusion