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quai, avec une grande surprise qu’il passait ce temps à regarder de mon côté, comme s’il se perdait en étonnement.

Il y avait quelque chose de si remarquable dans l’état croissant de l’œil de M. Wopsle, et tant de choses semblaient tourbillonner dans son esprit et y devenir confuses, que je n’y comprenais plus rien. J’y pensais encore en sortant du théâtre, une heure après, et en le trouvant qui m’attendait près de la porte.

« Comment vous portez-vous ? dis-je en lui donnant une poignée de mains, pendant que nous descendions dans la rue. Je me suis aperçu que vous me voyiez.

— Si je vous voyais, monsieur Pip ! répondit-il ; mais oui, je vous voyais. Mais qui donc était là aussi ?

— Qui ?

— C’est étrange, dit M. Wopsle, retombant dans son regard perdu. Et cependant je jurerais que c’est lui. »

Prenant l’alarme, je suppliai M. Wopsle de s’expliquer.

« Je ne sais pas si je l’aurais remarqué d’abord, si vous n’eussiez pas été là, dit M. Wopsle, continuant du même ton vague ; ce n’est pas certain, pourtant je le crois. »

Involontairement, je regardai autour de moi, comme j’avais l’habitude de le faire, en rentrant au logis, car ces paroles mystérieuses me donnaient le frisson.

« Oh ! on ne peut plus le voir, dit M. Wopsle, il est sorti avant moi ; je l’ai vu partir. »

Avec les raisons que j’avais d’être méfiant, j’allai jusqu’à soupçonner ce pauvre acteur. J’entrevoyais un dessein de m’arracher quelque aveu par surprise. Je le regardai donc en marchant, mais je ne disais rien.

« Je me figurais follement qu’il devait être avec vous, monsieur Pip, jusqu’à ce que je m’aperçus que vous