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des dîners. Bientôt je me levai pour me rendre au théâtre.

Là je vis un vertueux maître d’équipage au service de Sa Majesté, excellent homme, bien que j’eusse pu lui désirer un pantalon moins serré dans certains endroits et plus serré dans d’autres, qui enfonçait tous les petits chapeaux des hommes sur leurs yeux, quoiqu’il fût généreux et brave, et qu’il eût désiré que personne ne payât d’impôts, et qu’il fût très-patriote. Ce maître d’équipage avait un sac d’argent dans sa poche, qui faisait l’effet d’un pudding dans son linge[1], et avec cet avoir, il épousait une jeune personne versée dans les fournitures de literie, au milieu de grandes réjouissances ; toute la population de Portsmouth (au nombre de neuf au dernier recensement) se tournait vers la plage pour se frotter les mains, échanger des poignées de mains avec les autres et chanter à tue-tête : « Remplissez nos verres ! Remplissez nos verres ! » Un certain balayeur de navires, au teint foncé, qui ne voulait ni boire ni rien faire de ce qu’on lui proposait, et dont le cœur, disait ouvertement le maître d’équipage, devait être aussi noir que la figure, proposa à deux autres de ses camarades de mettre dans l’embarras tous ceux qui étaient là, ce qui fut si bien exécuté (la famille du balayeur ayant une influence politique considérable), qu’il fallut une demi-soirée pour arranger les choses, et alors tout fut mené par l’intermédiaire d’un petit épicier avec un chapeau blanc, des guêtres noires, un nez rouge, qui entra dans une horloge avec un gril à la main pour écouter, sortir et frapper par derrière avec son gril ceux qu’il ne pouvait pas convaincre de ce qu’il avait en-

  1. Les puddings sérieux doivent cuire dans un torchon ; une serviette les modifie en mal, dit le Cuisinier royal britannique.