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CHAPITRE XVIII.


Quelques semaines se passèrent sans apporter aucun changement. Nous attendions Wemmick, et il ne donnait aucun signe de vie. Si je ne l’avais pas connu hors de la Petite Bretagne, et si je n’avais jamais joui du privilège d’être sur un pied d’intimité au château, j’aurais pu douter de lui, mais le connaissant comme je le connaissais, je n’en doutai pas un seul instant.

Mes affaires positives prenaient un triste aspect, et plus d’un créancier me pressait pour de l’argent. Je commençais, moi-même, à connaître le besoin d’argent (je veux dire d’argent comptant dans ma poche), et j’atténuai ce besoin en vendant quelques objets de bijouterie, dont on se passe facilement ; mais j’avais décidé que ce serait une action lâche de continuer à prendre de l’argent de mon bienfaiteur, dans l’état d’incertitude de pensées et de projets où j’étais. En conséquence, je lui renvoyai, par Herbert, le portefeuille intact, pour qu’il le gardât, et je sentis une sorte de satisfaction — était-elle réelle ou fausse ? je le sais à peine — de n’avoir pas profité de sa générosité, depuis qu’il s’était révélé à moi.

Comme le temps s’écoulait, l’idée qu’Estelle était mariée s’empara de moi. Craignant de la voir con-