Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant que nous causions ainsi à voix basse, et que le grognement soutenu du vieux Barley vibrait dans la poutre qui traversait le plafond, la porte du parloir s’ouvrit, et une très-jolie fille, élancée, aux yeux bleus, âgée d’environ vingt ans, entra, tenant un panier à la main. Herbert la débarrassa tendrement du panier, et me la présenta en rougissant :

« Clara, » me dit-il.

C’était réellement une personne bien charmante, et elle aurait pu passer pour une fée captive que cet ogre brutal de vieux Barley avait forcée à le servir.

« Tenez, dit Herbert, en me montrant le panier, avec un sourire tendre et compatissant ; voici le souper de la pauvre Clara, qu’on lui sert tous les soirs. Voici sa ration de pain et sa tranche de fromage, et voici son rhum que je bois. Voici le déjeuner de M. Barley pour demain, il est tout prêt à cuire : deux côtelettes de mouton, trois pommes de terre, un peu de pois cassés, un peu de farine, deux onces de beurre, une pincée de sel et tout ce poivre noir. Tout cela est cuit ensemble et servi chaud. Qu’on me pende, si ce n’est pas une excellente chose pour la goutte ! »

Il y avait quelque chose de si naturel et de si charmant dans la manière résignée avec laquelle Clara regardait ces provisions une à une, à mesure que Herbert en faisait l’énumération, et quelque chose de si confiant, de si aimant et de si innocent dans la manière modeste avec laquelle elle s’abandonnait au bras d’Herbert, qui l’enlaçait, et quelque chose de si doux en elle, qui avait tant besoin de protection au Moulin du Bord de l’Eau, près du Bassin aux Écus et de la Vieille Corderie de Cuivre Vert, avec le vieux Barley grognant dans la poutre, que je n’aurais pas voulu défaire l’engagement qui existait entre elle et Herbert pour tout