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pas du tout, car j’avais voulu parler de ses moyens d’existence. Je ne l’ai jamais vu depuis que je connais Clara, car il ne quitte pas sa chambre, qui est au-dessus, mais je l’ai entendu constamment aller et venir et faire un vacarme effroyable en roulant quelque terrible instrument sur le plancher. »

Herbert me regarda et se mit à rire de tout son cœur, et recouvra en un moment ses manières enjouées ordinaires.

« Ne vous attendez-vous pas à le voir ?

— Oh ! oui, je m’attends toujours à le voir, répondit Herbert, parce que je ne l’entends jamais sans m’attendre à le voir passer à travers le plancher, mais je ne sais pas combien de temps les solives pourront y tenir. »

Quand il eut encore ri de tout son cœur, il redevint inquiet, et me dit que dès qu’il aurait réalisé un capital, il avait l’intention d’épouser cette jeune personne. Puis il ajouta comme une chose fort mélancolique, mais allant de soi :

« Mais on ne peut se marier, vous le savez, tant qu’on ne s’est pas encore tiré d’affaire. »

Comme nous étions à contempler le feu, et que je pensais combien le capital était quelquefois un rêve difficile à réaliser, je mis mes mains dans mes poches. Un morceau de papier plié, qui se trouvait dans l’une d’elles, attira mon attention. Je l’ouvris, et je vis que c’était le programme de théâtre que j’avais reçu de Joe, et qui annonçait le célèbre amateur de province, le Roscius en renom.

« Dieu me bénisse ! m’écriai-je involontairement ; c’est pour ce soir ! »

Ceci changea notre sujet de conversation en un moment, et nous résolûmes immédiatement de nous ren-