Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Cette personne disparaissant de cet endroit, et personne n’entendant plus parler d’elle dans les environs, dit Wemmick, on a formé des conjectures et soulevé des théories : j’ai aussi appris que vous aviez été surveillé dans votre appartement de la Cour du Jardin au Temple, et que vous pourriez l’être encore.

— Par qui ? dis-je.

— Je ne voudrais pas entrer dans ces détails, dit Wemmick évasivement, cela pourrait empiéter sur ma responsabilité officielle. J’ai appris cela comme j’ai appris bien d’autres choses curieuses en d’autres temps, dans le même lieu. Je ne vous dis pas cela sur des informations reçues, je l’ai entendu. »

Il me prit des mains la fourchette à rôtir et la saucisse tout en parlant, et disposa convenablement sur un petit plateau le déjeuner de son père. Avant de le lui servir, il entra dans sa chambre avec une serviette propre, qu’il attacha sous le menton du vieillard. Il le souleva, mit son bonnet de nuit de côté, et lui donna un air tout à fait crâne. Ensuite il plaça son déjeuner devant lui avec grand soin, et dit :

« C’est bien, n’est-ce pas, vieux père ? »

Ce à quoi le joyeux vieillard répondit :

« Très-bien ! John, mon garçon, très-bien ! »

Comme il paraissait tacitement entendu que le vieux n’était pas dans un état présentable, je pensais qu’en conséquence il fallait le regarder comme invisible, et je fis semblant d’ignorer complètement tout ce qui se passait.

« Cette surveillance exercée sur moi dans mon appartement, surveillance que j’avais déjà eu quelque raison de soupçonner, dis-je à Wemmick quand il revint, est inséparable de la personne à laquelle vous avez fait allusion, n’est-ce pas ? »