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Drummle en faisant semblant de bâiller, mais également résolu à ne pas bouger.

— Restez-vous longtemps ici ?

— Je ne puis vous dire, répondit Drummle. Et vous ?

— Je ne puis vous dire, » répondis-je.

Je sentis en ce moment, au frémissement de mon sang, que si l’épaule de M. Drummle avait empiété d’une épaisseur de cheveu de plus sur ma place, je l’aurais jeté par la fenêtre. Je sentis en même temps que si mon épaule montrait une semblable prétention, M. Drummle m’aurait jeté par la première ouverture venue. Il se mit à siffler un peu, je fis comme lui.

« N’y a-t-il pas une grande étendue de marais par là ? dit Drummle.

— Oui. Eh bien, après ? » dis-je.

M. Drummle me regarda, puis après il regarda mes bottes, puis enfin il dit :

« Oh ! »

Et il se mit à rire.

« Vous vous amusez, monsieur Drummle ?

— Non, dit-il, pas particulièrement ; je vais faire une promenade à cheval, je veux explorer ces marais pour mon plaisir. Il y a dans les villages environnants, à ce qu’on m’a dit, de curieuses petites auberges et de jolies petites forges. Est-ce vrai ? Garçon !

— Monsieur ?

— Mon cheval est-il prêt ?

— Il est devant la porte, monsieur.

— Écoutez-moi bien à présent : la dame ne montera pas à cheval aujourd’hui, le temps est trop mauvais.

— Très-bien, monsieur.

— Et je ne rentrerai pas, parce que je dîne chez cette dame.

— Très-bien, monsieur. »