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Faisant semblant de lire un vieux journal graisseux, qui n’avait rien d’à moitié aussi lisible dans ses nouvelles locales que les nouvelles étrangères, sur les cafés, les conserves, les sauces à poisson, le beurre fondu et les vins dont il était couvert, comme s’il avait gagné la rougeole d’une manière tout à fait irrégulière, je m’assis à ma table pendant qu’il se tenait devant le feu. Par degrés, je vis une insulte grave dans sa persistance à rester devant le feu et je me levai, déterminé à me chauffer à ses côtés. Il me fallut passer ma main derrière ses jambes pour prendre le poker afin de tisonner le feu, mais j’eus encore l’air de ne pas le connaître.

« Est-ce exprès ? dit M. Drummle.

— Oh ! dis-je, le poker en main, est-ce vous… est-ce possible ?… Comment vous portez-vous ? Je me demandais qui pouvait ainsi masquer le feu… »

Sur ce, je me mis à tisonner avec ardeur. Après cela, je me plantai côte à côte de M. Drummle, les épaules rejetées en arrière et le dos au feu.

« Vous venez d’arriver ? dit M. Drummle en me poussant un peu avec son épaule.

— Oui, dis-je en le poussant de la même manière.

— Quel sale et vilain endroit ! dit Drummle ; n’est-ce pas votre pays ?

— Oui, répondis-je ; on m’a dit qu’il ressemblait beaucoup à votre Shrosphire.

— Pas le moins du monde, » dit Drummle.

Alors M. Drummle regarda ses bottes, et je regardai les miennes ; puis il regarda les miennes et je regardai les siennes.

« Y a-t-il longtemps que vous êtes ici ? demandai-je, résolu à ne pas céder un pouce du feu.

— Assez longtemps pour en être fatigué, répondit