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le plus sûr, c’est-à-dire en se faisant son dénonciateur.

Je n’avais jamais soufflé ni ne voulais jamais souffler un mot d’Estelle à Provis ; du moins, j’en prenais la résolution : mais je dis à Herbert qu’avant de partir, je croyais devoir aller voir miss Havisham et Estelle. Cette idée me vint quand nous nous retrouvâmes seuls, le soir du jour où Provis nous avait raconté son histoire. Je résolus d’aller à Richmond le lendemain, et j’y allai.

Quand j’arrivai chez Mrs Brandley, la femme de chambre d’Estelle vint me dire qu’Estelle était allée à la campagne.

« Où ?

— À Satis House, comme de coutume.

— Non pas comme de coutume, dis-je, car elle n’y est jamais allée sans moi. Quand doit-elle revenir ? »

Il y avait dans la réponse qu’on me fit un air de réserve qui augmenta ma perplexité. Cette réponse fut que la femme de chambre croyait qu’Estelle ne reviendrait que pour peu de temps. Je ne pouvais rien tirer de cela, si ce n’est qu’on avait voulu que je n’en tirasse rien, et je rentrai chez moi dans un inconcevable état de contrariété.

J’eus une autre consultation de nuit avec Herbert, après que Provis fut rentré chez lui (je le reconduisais toujours, et j’avais toujours soin de bien regarder autour de moi), et nous résolûmes de ne rien dire de mes projets de départ, jusqu’à mon retour de chez miss Havisham. En même temps, Herbert et moi nous devions réfléchir séparément à ce qu’il conviendrait le mieux de dire à Provis, pour le déterminer à quitter l’Angleterre avec moi. Ferions-nous semblant de craindre qu’il ne fût sous le coup d’une surveillance suspecte, ou moi, qui n’étais jamais sorti de notre pays, propo-