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Ce que j’ai dit était petit, oui, c’était petit, très-petit. Tenez, Pip, voyez, je ne veux plus être si petit.

— D’abord, repris-je en soupirant, quelles précautions peut-on prendre pour vous empêcher d’être reconnu et arrêté ?

— Non, mon cher enfant, dit-il du même ton que précédemment, cela ne peut pas passer ; c’est de la petitesse ; je n’ai pas mis tant d’années à faire un gentleman sans savoir ce qui lui est dû. Tenez, Pip, j’ai été petit ; voilà ce que j’ai été, très-petit, voyez-vous, mon cher enfant. »

J’étais sur le point de céder à un rire nerveux et irrité, en répliquant :

« J’ai tout vu. Au nom du ciel, ne vous arrêtez pas à cela.

— Oui ; mais, tenez, continua-t-il ; mon cher enfant, je ne suis pas venu de si loin pour me montrer petit. Voyons, continuez, mon cher ami : vous disiez…

— Comment vous préserver du danger qui vous menace ?

— Mais, mon cher enfant, le danger n’est pas si grand que vous le croyez. Si l’on ne m’a pas encore reconnu, le danger est insignifiant. Il y a Jaggers, il y a Wemmick, il y a vous : quel autre pourrait me dénoncer ?

— Ne risquez-vous pas qu’on vous reconnaisse dans la rue ? dis-je.

— Mais, répondit-il, ce n’est pas trop à craindre. Je n’ai pas l’intention de me faire mettre dans les journaux sous le nom de A. M…, revenu de Botany Bay. Les années ont passé, et quel est celui qui y gagne ? Cependant, voyez-vous, Pip, quand même le danger aurait été cinquante fois plus grand, je serais venu vous voir tout de même, voyez-vous, Pip.