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dès en entrant, je n’avais vu, en effet, une belle dame assise à cette toilette, mais je ne saurais le dire. Dans un fauteuil, le coude appuyé sur cette table et la tête penchée sur sa main, était assise la femme la plus singulière que j’eusse jamais vue et que je verrai jamais.

Elle portait de riches atours, dentelles, satins et soies, le tout blanc ; ses souliers mêmes étaient blancs. Un long voile blanc tombait de ses cheveux ; elle avait sur la tête une couronne de mariée ; mais ses cheveux étaient tout blancs. De beaux diamants étincelaient à ses mains et autour de son cou et quelques autres étaient restés sur la table. Des habits moins somptueux que ceux qu’elle portait étaient à demi sortis d’un coffre et éparpillés alentour. Elle n’avait pas entièrement terminé sa toilette, car elle n’avait chaussé qu’un soulier ; l’autre était sur la table près de sa main, son voile n’était posé qu’à demi ; elle n’avait encore ni sa montre ni sa chaîne, et quelques dentelles, qui devaient orner son sein, étaient avec ses bijoux, son mouchoir, ses gants, quelques fleurs et un livre de prières, confusément entassées autour du miroir.

Ce ne fut pas dans le premier moment que je vis toutes ces choses, quoique j’en visse plus au premier abord qu’on ne pourrait le supposer. Mais je vis bien vite que tout ce qui me paraissait d’une blancheur extrême, ne l’était plus depuis longtemps ; cela avait perdu tout son lustre, et était fané et jauni. Je vis que dans sa robe nuptiale, la fiancée était flétrie, comme ses vêtements, comme ses fleurs, et qu’elle n’avait conservé rien de brillant que ses yeux caves. On voyait que ces vêtements avaient autrefois recouvert les formes gracieuses d’une jeune femme, et que le corps sur lequel ils flottaient maintenant s’était réduit, et n’avait plus que la peau et les os. J’avais vu autrefois à la foire une