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manière, dans un pareil lieu et l’estomac creux ! J’avais faim ; mais avant que j’eusse le temps d’avaler une seule bouchée, il commença une addition qui dura pendant tout le déjeuner.

« Sept ?… et quatre ?… et huit ?… et six ?… et deux ?… et dix ?… »

Et ainsi de suite. Après chaque nombre, j’avais à peine le temps de mordre une bouchée, ou de boire une gorgée, pendant qu’étalé dans son fauteuil et ne songeant à rien, il mangeait du jambon frit et un petit pain chaud, de la manière la plus gloutonne, si j’ose me servir de cette expression irrévérencieuse.

On comprendra que je vis arriver avec bonheur le moment de nous rendre chez miss Havisham ; quoique je ne fusse pas parfaitement rassuré sur la manière dont j’allais être reçu sous le toit de cette dame. En moins d’un quart d’heure, nous arrivâmes à la maison de miss Havisham qui était construite en vieilles briques, d’un aspect lugubre, et avait une grande grille en fer. Quelques-unes des fenêtres avaient été murées ; le bas de toutes celles qui restaient avait été grillé. Il y avait une cour devant la maison, elle était également grillée, de sorte qu’après avoir sonné, nous dûmes attendre qu’on vînt nous ouvrir. En attendant, je jetai un coup d’œil à l’intérieur, bien que M. Pumblechook m’eût dit :

« Cinq et quatorze ? »

Mais je fis semblant de ne pas l’entendre. Je vis que d’un côté de la maison il y avait une brasserie ; on n’y travaillait pas et elle paraissait n’avoir pas servi depuis longtemps.

On ouvrit une fenêtre, et une voix claire demanda :

« Qui est là ? »

À quoi mon compagnon répondit :