Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/340

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion, il m’appelait Pip, et quand il retombait dans ses ambitions de politesse, il m’appelait monsieur.

« Alors, dit Joe en reprenant son ton cérémonieux, Pumblechook arriva dans sa charrette ; il était toujours le même… identique… et me faisant quelquefois l’effet d’un peigne qui m’aurait peigné à rebrousse poil, en se donnant par toute la ville comme si c’était lui qui eût été votre camarade d’enfance, et comme si vous le regardiez comme le compagnon de vos jeux.

— Allons donc ! mais c’était vous, Joe.

— Je l’avais toujours cru, Pip, dit Joe en branlant doucement la tête, bien que cela ne signifie pas grand’chose maintenant, monsieur. Eh bien ! Pip, ce même Pumblechook, ce faiseur d’embarras, vint me trouver aux Trois jolis bateliers (où l’ouvrier vient boire tranquillement une pinte de bière et fumer une pipe sans faire d’abus), et il me dit : « Joseph, miss Havisham désire vous parler.

— Miss Havisham, Joe ?

— Elle désire vous parler ; ce sont les paroles de Pumblechook. »

Joe s’assit et leva les yeux au plafond.

« Oui, Joe ; continuez, je vous prie.

— Le lendemain, monsieur, dit Joe en me regardant comme si j’étais à une grande distance de lui, après m’être fait propre, je fus voir miss A.

— Miss A, Joe, miss Havisham ?

— Je dis, monsieur, répliqua Joe avec un air de formalité légale, comme s’il faisait son testament, miss A ou autrement miss Havisham. Elle s’exprima ainsi qu’il suit : « Monsieur Gargery, vous êtes en correspondance avec M. Pip ? » Ayant en effet reçu une lettre de vous, j’ai pu répondre que je l’étais. Quand j’ai épousé votre sœur, monsieur, j’ai dit : « Je le serai ; »