Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/334

Cette page a été validée par deux contributeurs.

monter les marches, ses souliers de grande tenue étant toujours trop larges, et au temps qu’il mit à lire les noms inscrits sur les portes des autres étages pendant son ascension. Lorsqu’enfin il s’arrêta à notre porte, j’entendis ses doigts suivre les lettres de mon nom, et ensuite j’entendis distinctement respirer, à travers le trou de la serrure ; finalement, il donna un unique petit coup sur la porte, et Pepper, tel était le nom compromettant du Vengeur, annonça :

« M. Gargery ! »

Je crus que Joe ne finirait jamais de s’essuyer les pieds, et que j’allais être obligé de sortir pour l’enlever du paillasson ; mais à la fin, il entra.

« Joe, comment allez-vous, Joe ?

— Pip, comment allez-vous, Pip ? »

Avec son bon et honnête visage, ruisselant et tout luisant d’eau et de sueur, il posa son chapeau entre nous sur le plancher, et me prit les deux mains et les fit manœuvrer de haut en bas, comme si j’eusse été la dernière pompe brevetée.

« Je suis aise de vous voir, Joe… Donnez-moi votre chapeau. »

Mais Joe, prenant avec soin son chapeau dans ses deux mains, comme si c’eût été un nid garni de ses œufs, ne voulait pas se séparer de cette partie de sa propriété, et s’obstinait à parler par-dessus de la manière la plus incommode du monde.

« Comme vous avez grandi ! dit Joe, comme vous avez gagné !… Vous êtes devenu tout à fait un homme de bonne compagnie. »

Joe réfléchit pendant quelques instants avant de trouver ces mots :

« … À coup sûr, vous ferez honneur à votre roi et à votre pays.